Analyses

Cette analyse est le fruit de l’ensemble de nos recherches et de nos rencontres d’acteurs présentés dans les articles précédents.

Pour rappel, Drancy est une commune d’Île-de-France qui a vue un de ses logements sociaux « la Cité de la Muette » se transformer en un camp d’internement pour juif avant leur déportation et la Normandie est la région où le débarquement des Alliés du 6 juin 1944 a eu lieu. La Normandie comptait 3 327 477 habitants en 2018 pour une superficie de 29 905 km², tandis que Drancy comptait 72 109 habitants en 2018 pour une superficie de 7,76 km². Les analyses qui vont suivre prennent en compte cette différence d’échelle.

 

Drancy versus Normandie 

Le patrimoine matériel historique de la ville de Drancy est pauvre contrairement à celui de la Normandie. À Drancy, on peut y trouver la Cité de la Muette (retransformé en logements sociaux), le Mémorial de la Shoah, une statue commémorative, des plaques de mémoire et un wagon symbolique. En conséquence du manque de valorisation de ce patrimoine, la ville ne connait pas de tourisme de mémoire, pas de tourisme en général non plus. A contrario, la Normandie connaît une forte influence touristique liée à son Histoire, et pour cause, de nombreuses actions et structures valorisent ce patrimoine. En 2021, la région a compté la présence de 2,6 millions de visiteurs sur ses musées et sites de la bataille de Normandie et compte près d’une association par ville. Le fort contraste touristique ne s’explique pas par le nombre de patrimoine matériel historique mais bien par la valorisation qu’en font chaque commune. Pour exemple, à Sainte-Mère-Église en Normandie, on retrouve un mannequin sur le clocher de l’église et 2-3 impacts de balles sur un grillage. Pourtant, le village a perçu 30 000 visiteurs le 6 juin 2022.

Une reconnaissance publique à deux vitesses

La différence de valorisation de l’Histoire de Drancy et de la Normandie, n’est pas la seule que nous avons constaté. Effectivement, la reconnaissance publique des faits historiques avancent pas à pas à Drancy tandis qu’elle a été quasi immédiate en Normandie. La mémoire glorieuse et le commencement de la fin de la guerre a aidé cette reconnaissance. Pour preuve, des projets à l’initiative des citoyens ont pris place en nombre depuis la fin de la guerre. Au contraire, la ville de Drancy, qui a connu une mémoire que l’on peut qualifier de douloureuse et de honteuse, peine à être reconnu par l’État. Ce n’est qu’en 1995, près de 50 ans après, que le président Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de la France dans la déportation et l’extermination de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

Valorisation ascendante, mémoire différente

L’Histoire de la Seconde Guerre mondiale sur le territoire de la Normandie est valorisée majoritairement grâce aux initiatives citoyennes et individuelles qu’elle rencontre. Les citoyens locaux ont une connaissance naturelle de cette période historique et certains ont une collection privée d’objets de cette époque. C’est une mémoire qui perdure. De nombreuses structures ont été créées comme l’association des Amis des Vétérans Américains ou encore le comité du Débarquement qui finance la plupart des projets. À l’inverse, dans la ville de Drancy, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale s’éteint. Aucun projet n’est mis en place, et les commémorations se font rares. Une association, en lien avec son Histoire, avait été créée mais n’a pas perdurer et s’est effacée.