Membre du comité contre le D-Day Land

Collectif contre le D-Day land de Sainte-Mère-Eglise, une illustration des enjeux de la mémoire

Vendredi 3 février, nous nous sommes rendus en fin de matinée à Sainte-Marie-du-Mont où nous avons rencontré Christian Rosier, l’un des membres du collectif contre le D-Day land.

« Hommage aux héros », aussi appelé D-Day land est un spectacle immersif sur le débarquement des plages de Normandie de 1944.

Le projet est celui d’un théâtre aux décors évolutifs composé d’une salle d’une capacité de 1 000 personnes disposées sur des rails de 4 km de long. Les spectateurs seraient alors face à une scène où des acteurs performeraient dans des décors situés sur le parcours de la salle qui se déplaceraient sur la longueur du rail.

Ce projet d’envergure prendrait place sur près de 32 hectares de terres agricoles situées à Carentan-les-Marais dans la Manche.

Ce projet est porté par 4 promoteurs privés et soutenus officiellement par Hervé Morin, président de la région Normandie.

Toutefois, la présence de collectifs s’opposant au projet, tel que celui de Sainte-Marie-du-Mont ou encore de Ver-sur-Mer témoigne d’une forte opposition d’une partie des locaux. Quelles raisons suscitent un tel rejet ?

Premièrement, les détracteurs du projet sont inquiets concernant la véracité historique de ce que proposera la structure. Une inquiétude née des intentions financières que porte le projet, selon les opposants. L’argument principal présenté par ces derniers est la disparition du comité scientifique qui comprenait des historiens et spécialistes au profit d’un comité de ressources historiques dont la composition reste floue. De plus, ils craignent une trop forte scénarisation des événements passés en précisant que plusieurs écrivains, travaillant sur le projet, vivent à l’étranger et ne sont pas forcément sensibles à cette histoire. L’un de ces écrivains a déjà écrit notamment pour le cirque du soleil. Cependant il reste important de mentionner le soutien du comité du débarquement envers ce projet.

Deuxièmement, l’aspect écologique du projet est vivement critiqué. Comme évoqué précédemment, le site prendra place sur un terrain agricole de 32 hectares et, selon les porteurs de projet, comprendra des constructions sur seulement 16 hectares. Ces 16 hectares restant seront loués par les propriétaires à des agriculteurs. Néanmoins, notre interlocuteur précise qu’une très grande majorité de ces parcelles restantes sont des terres inconstructibles. Ce dernier rajoute qu’il y a assez de friches sur le territoire pour accueillir un tel projet.  D’un point de vue plus général, les opposants s’interrogent quant à l’utilité de l’installation d’une telle structure en vue des enjeux écologiques actuels et de la présence de nombreuses structures culturelles promouvant déjà ce patrimoine sur le territoire. Cela rentre notamment en contradiction avec l’objectif national « objectif zéro artificialisation » en 2050. Certaines associations pour la protection de la nature et de la biodiversité en Normandie soutiennent le discours écologique des opposants, notamment l’association Cotentin Nature basée à Sainte-Mère-Église. Le statut associatif de ces organismes permettrait notamment une contestation en justice du projet.

L’une des réalités de l’implantation de ce projet serait le risque de centralisation de la fréquentation du tourisme de mémoire et la concurrence importante face aux autres structures. Cela, malgré la déclaration des porteurs de projets concernant leur volonté de coopérer avec les acteurs locaux. Cette crainte n’est pas calmée par la promesse de création de 200 à 250 emplois dédiés au fonctionnement de la structure, car selon les opposants, la majorité de ces emplois seraient saisonniers et Carentan ne connaîtrait que très peu de chômage.

Actuellement, le collectif contre le D-Day land mise sur le caractère antiécologique du projet en contestant la transformation du plan d’urbanisation, transformant la zone A (Agricole) en  zone AU (À Urbaniser). Une enquête publique sera donc menée et le préfet rendra sa décision. Si le préfet autorise la construction, le collectif fera appel. Même si cet appel venait à ne pas être fructueux, la démarche pourrait bien donner raison aux opposants car les porteurs du projet ont exprimé une impossibilité d’attendre les autorisations en vue des coûts ayant déjà été engagés. Le projet serait alors délocalisé vers les alentours de Caen. Cela réduirait l’impact économique, concurrentiel et écologique pour les acteurs du département de la Manche.

Maxime Esteves